Le yoga de Gyu Lu

La fiction1 du corps.

Enseignement de Lama Shérab Namdreul donné lors de la retraite d'avril 2015

d'après une retranscription de Jean Marc Pouchelon,

auteur du livre "Chamanisme et Bouddhisme"

 

La Vue

Ce corps biologique (tib. Lu) peut, tout aussi bien, être le support de la saisie et de notre fiction ou bien alors, être le déclencheur de la réalisation d'une co-émergence (sct. sahaja) d'apparences-vide où se révèle la nature de l'Illusion (sct. Maya, tib. Gyu).

En réalisant la fiction de ce corps biologique, on maîtrise la nature d’émanence (sct. nirmanakaya, tib. Trul Kou) inhérent au dharmakaya qu'est l'esprit.

Ne prenant plus le corps comme substrat du moi, se dissipent toutes fictions à son sujet. Les prémices d’une réalisation de ce yoga se font aisément au sortir du sommeil ce qui, par extension, fait de ce yoga un moyen tout particulièrement profitable au moment de la renaissance.

« Un corps d’émanation reprend naissance
à peu près à la manière d’une hallucination visuelle.
En pensant comme cela, on reste en équanimité.
Par cette méditation en équanimité, on maîtrise la matrice. » (Naropa)

Le mental s’illusionne de lui-même en prenant ce qui est du concept pour une réalité objective. Ce qui est conçu est pris pour réel. Ce qui n’est que des représentations et des images, on les prend pour des réalités. Ce qui n’est que perception, on le prend pour réel. Ce qui n’est que sensation, on le prend pour réel. Ce qui est impression, on le prend pour réel. Ce qui est sentiment, on le prend pour réel. Tout est le fait de notre fiction. On prend un écho pour le son, on prend un mirage pour une oasis, on prend un concept pour une objectivité réelle… Ainsi nous donnons une puissance à nos discriminations sous-jacentes.

Il est important de bien comprendre la Vue de la fiction (sct. Maya, tib. Gyu). Il ne s’agit pas d’incriminer le corps ni le monde comme étant illusoire ou encore les apparences comme étant trompeuses. Ce ne sont pas les images, ce ne sont pas les concepts ni les représentations qui sont illusoires. Nous établissons un rapport erroné et fictif à l’égard du corps, du monde, des apparences et aussi des êtres et de soi-même. La fiction consiste à simplement prendre pour réel ce qui n’est que relatif.

Vue
L’illusion est le fait de rajouter quelque chose. Rajouter une réalité aux apparences, rajouter une caractérité (tib. Tsèn Nyi) aux avènements mentaux (tib. Sèm Djoung), rajouter une entité à son existence. Tout cela est une fiction, un fait de notre imagination dans l’ignorance de la véritable nature de l’esprit et des phénomènes.

Méditation
Méditer c’est se placer en flagrant délit de fiction en y appliquant la Vue.

Fruit
L’éveil est d’avoir oublié de rajouter quelque chose et demeurer en la nudité de cet instant. C’est la non-méditation sans aucune autre procédure.

La Méditation

Parmi les six yogas essentiels, le Yoga de Mahakaya-Gyulu est à mes yeux celui qui induit le plus l’idée de relâchement et d’abandon envers nos représentations et images de soi. À cet effet, je préconise tout particulièrement l’usage de la ceinture de yoga dans la posture d’aisance royale.

Pour méditer, il faut au préalable bien cerner la Vue de base à force d’écoute, d’analyse et d’investigation. Il est important et bénéfique de savoir ce que l’on ne comprend pas. Il n’y a là aucun complexe à avoir. Mais n’en restez pas là. Ne laissez pas la paresse mentale en faire une fatalité. Si l’on ne comprend pas, le Lama est là pour expliquer la Vue. Soyez vigilant et ne vous contentez pas d’être persuadé ou séduit par l’enseignement ou encore par l’enseignant.

D’abord, par une attitude de détente, on se recueille, on s’intériorise. On reste présent, naturel, sans artifice, sans aucune démarche. Avec la force de l’analyse, on acquiert une certaine dextérité et souplesse de recueillement contemplatif et il est aisé de générer à l’esprit une Vue sans autre élaboration. Si l’on a quelque difficulté, on continue de maintenir l’immobilité de la posture et l'on s’en inspire pour goûter l’instant et développer progressivement, sans aucune distraction, d’abord un sentiment de la Vue, une conscience sensitive et évocatrice de ce que vous avez déjà pu comprendre de la Vue. Il se peut qu’il y ait une persistance du discours mental, mais ne vous y arrêtez pas.

Le discours se lasse de lui-même
quand on s’en tient à ce qui doit être fait.

Ne cherchez pas à vous débarrasser du discours mental. Ne cherchez pas « à ne pas penser » comme on dit. Coupez toute démarche à l’égard du discours. Tenez-vous en à la Vue.

Générer la Vue c’est comme goûter l’instant d’une promenade. Le discours mental est comme un ami bavard qui nous accompagne dans cette promenade. Nous aurons sans doute des difficultés à goûter cette promenade si nous restons agacé de son bavardage. Nous allons prétexter que c’est notre ami bavard qui nous empêche de profiter de la promenade, des arbres, du soleil et des petits oiseaux. Nous allons le rendre responsable de notre agacement et finir par vouloir lui imposer le silence, ce qui alimentera plus d’émotions et justifiera encore plus de bavardage. Dans la méditation, il arrive qu’on procède de la même manière avec le discours mental. En réagissant frontalement, on donne de la puissance au discours. C’est la Vue qui destitue le pouvoir du discours. Ne cherchez pas à couper le discours ou à cesser de penser. C’est tout aussi futile que de vouloir prendre un nuage pour pousser un autre nuage ou prendre une pensée pour arrêter une autre pensée. Maintenant, restez vigilant pour s’éviter, à l’inverse, d’opter pour l’opacité, le déni ou l’hypovigilance en espérant trouver la lucidité dans la léthargie mentale ou l’inconscience.

Il n’y a pas de discours en propre.
Ce que l’on éprouve comme étant du discours mental
est le fait même de notre attitude frontale.

Si l’on souhaite goûter la promenade avec une idée bien arrêtée de ce que l’on juge être une promenade digne d’être goûtée cela risque fort d’être contrarié. Partant d’une discrimination, nous aurons toujours quelque chose à redire.

Quand vous vous asseyez sur le coussin, observez bien votre aspiration. Il s’agit de partir du bon pied. Abandonnez toute idée de méditation et de méditer. Exécutez la Vue à laquelle vous vous êtes décidé et demeurez un témoin inaffecté d’espoir contrarié et de crainte suscitée. Il s’agit de s’en tenir à goûter la Vue, que ce soit celui d’une méditation ou d’une promenade avec un ami qui s’avère être bavard. On a des pensées, on goûte la Vue. On n’a pas de pensées, on goûte la Vue. C’est simple et précis. Les fruits de la concentration relève de la rigueur.

Détermination, compréhension  et concentration
ne s’apprennent pas, mais se décident.
Cette attitude décisionnelle n’appartient qu’à soi

N’allez pas à l’encontre du discours mental. Vous allez épuiser toutes vos forces. L’effort de concentration n’est pas épuisant. Si on s’épuise dans l’effort, c’est qu’on s’y prend mal. Agitation, découragement, déception, fatigue, dégoût, reproche, tout cela sont des signes que notre approche est erronée et que se sont immiscées nos discriminations sous-jacentes habituelles justifiant attente, idéalisation, expectative et nonchalance. Il se peut que l’idée d’effort suggère une certaine rigidité. Si c’est le cas, votre corps révèlera quelques tensions. Observez votre posture « du coin de l’œil », le corps est un véritable ami qui renvoie nos états d’esprit.

L’effort de concentration relève plus d’une attitude mentale attentionnée qui prend soin de chaque instant. Cet effort n’est pas antinomique de détente et la détente ne doit pas s’exempter de précision.

Le Fruit de chaque Vue
Sans discrimination, sans anticipation ni appréhension, se révèle une attitude d’équité. Le bruit d’un oiseau n’est pas plus magnifié que le bruit d’une voiture. L’intuition s’accompagne d’une grande délicatesse. Tout est précieux et solennel au simple fait que cela se goûte. Nous devenons un promeneur où tout participe de la promenade même si bavard il y a. Avec l’habitude de méditer correctement la Vue de l’illusion, une assimilation se fera jusqu’à certaines intégrations. Nous remarquerons que des mécanismes se dénouent et tombent en désuétude. Il n’y a pas lieu d’essayer de ne pas saisir. On impose la Vue de l’illusion et nos saisies deviennent infondées, insensées, caduques, désuètes et puériles. Nous remarquerons que nos saisies fatiguent. Nous créons les fatigues, les contrariétés (sct. Doukha), nous créons le Samsara.

L’effort approprié (juste) de concentration en la Vue débouche sur l’enstase (sct. Dhyana/dhāraṇa, tib. Samtèn) contemplative où la conscience passe en mode « intuition ». On passe de Vue à Voir.

Laisse aux apparences le sens d’apparaître.
Laisse à l’esprit le soin de connaître.
Sans production, reste en cette loisible évidence.

L’objet de notre concentration va être, à ce moment-là, déterminant pour explorer au mieux l’espace d’intuition pré-cognitive qui se propose au méditant.
Dans le yoga de Gyu Lu, il est proposé trois entraînements : 1. La Vue d’une fiction « impure » ; 2. La Vue d’une fiction « pure » ; 3. La Vue yogique

1. La Vue d’une fiction « impure »

Ici, par « impure » il faut entendre que pour illustrer la fiction on n’use pas de symbolique particulièrement « sacré » mais les différentes métaphores bien connues comme celle du rêve, de l’écho, du reflet, de l’arc-en-ciel etc. La concentration en cette Vue strictement conceptuelle de l’illusion nous conduit à une intuition pointue (sct. vipāśana, tib. Lhaktong) où la conscience (tib. Shé) accède à l’excellence (tib. rab) de sa compétence qu’est le discernement (sct. saṃprajñā), cette intelligence (sct. Prajñā, tib. Shérab) qui voit la co-émergence (sct Sahaja, tib. Lèn Kyé) de l’apparence et d’absence de réalité. Par ce vipāśana, on réalise le jeu de notre fiction qui prenait les phénomènes comme réel et objectif pour les découvrir finalement procédant de l’esprit même.

Quand tu as réalisé que tout ce qui apparaît
Est manifestation de l’esprit
Jour et nuit, contemple l’esprit.
Quand tu contemples l’esprit,
Tu ne vois rien qui soit l’esprit.
Quand tu ne vois rien qui soit l’esprit,
Laisser-toi aller dans cet infini.
(Chant de Milarépa pour Chakpa Guno)

Toutes les apparences sont loisibles et on les laisse être ce qu’elles sont, sans leur apposer nos fictions.
Aucune apparence n’a le pouvoir de nous séduire. L’attachement ne relève que de nous. Aucune apparence n’a le pouvoir de nous irriter ou nous agresser. Depuis des temps sans commencement, les apparences du monde, de l’univers, les apparences des Êtres, nos corps incarnés, les apparences qui apparaissent à l’esprit, toutes les apparences sont dénuées de caractéristique propre. Les apparences sont libres et loisibles. Elles se prêtent à nos perceptions et à nos jugements. Les apparences sont sans aucune intention. Les apparences nous étant loisibles, on peut en jouir. Soukhavati (tib. Déouatchèn) est pour celui qui reconnaît la fiction.

2. La Vue d’une fiction « pure »

Dans un deuxième temps, le Yoga de Gyu Lu préconise de prendre pour objet de concentration une « fiction pure » en s’identifiant sous l’aspect d’une divinité. Par « fiction pure », il faut entendre qu’une divinité véhicule une symbolique en lien avec des qualités inhérentes à la nature ultime de l’esprit. Alors qu’auparavant nous avions à nous concentrer sur une Vue strictement conceptuelle, maintenant nous avons à nous concentrer sur une Vue spécifiquement iconographique. Menée à bien, la génération (tib. Kyé Rim) d’une divinité nous conduit à cet espace d’intuition certes pointue mais, de plus, capable de sublimations et d’accomplissements spécifiques.

C’est ici que notre attention contemplative doit faire preuve de délicatesse, de sensitivité et d’intelligence : délicatesse pour que ne s’évanouisse pas l’évidence claire qui s’en dégage ; sensitivité pour que s’épanouisse la signifiance primordiale du symbole ; intelligence pour exécuter la divinité par le sceau du Yidam, co-émergence de clarté-vacuité. Ce dernier point est crucial dans le tantrayana bouddhique pour qui la divinité n’a pas d’existence objective réelle. Sous un aspect humanoïde, la divinité est une représentation iconographique d’une qualité inhérente à notre propre esprit. La spécificité bouddhique du tantra est, une fois la génération de la divinité aboutie, d’appliquer le sceau du Yidam qu’est la co-émergence de clarté-vacuité. Sans l’application de ce sceau, nous risquons, dans un moindre mal, de s’adonner à « un simple exercice d’imagination »2 d’abord exaltant puis, à plus ou moins long terme, décevant. Le plus grand danger, tant psychique que karmique, serait de saisir une objectivité réelle sur la divinité visualisée. C’est là qu’il est indispensable d’appliquer et de maîtriser ce sceau du Yidam Racine.

En effet, la génération tantrique d’une divinité, dans une enstase sans distraction, donne accès à une sphère imaginale où s’articule un langage subconscient qui, selon les aspirations et le degré de maîtrise mentale du méditant, peut prendre les traits du phantasme comme du visionnaire et céder aux impulsions du « ça » chaotique ou se conformer à la cohésion du symbole. Nommé dans le vajrayana le « langage des Dakinis », ce domaine peut être source d’inspiration ou de délire, cause de lucidité ou d’hallucination. Il est alors capital de se rappeler du refuge que l’on s’est engagé de voir en le Yidam Racine et que l’on actualise par ce sceau intime du Yidam. C’est la protection contre toute mystification et déification d’une divinité.

La divinité est un moyen dont il faut trouver le lien (tib. Dam) avec la conscience primordiale (tib. Yi). Le fin mot d’une contemplation tantrique c’est d’arriver  à la conscience non-discursive (sct. Amanakara) et puis de parachever (tib. Dzok) l’expérience en l’unification de clarté-vide définie comme le sceau secret3 du Yidam. Une mauvaise explication et un emploi erroné du tantrayana causeront des obstacles à la réalisation du Sahaja-Mahamoudra. Cela peut avoir même des conséquences néfastes dans l’expérience du bardo du devenir et de la renaissance. Par contre, une bonne compréhension et une maîtrise de la contemplation tantrique conduisent la réalisation du Sahaja-Mahamoudra à l’apogée de son effiscience (sct. Upaya) en accord à la Grande Compassion (sct. Mahakaruna) envers les êtres du samsara.

L’identification de son corps sous l’aspect d’une divinité ne consiste pas à faire un « copier-coller » en s’imprégnant d’une représentation peinte ou d’une photo. Rappelez-vous cette légèreté quand, enfant, vous vous « incarniez » cow-boy, indien, chevalier, infirmière, marchande, princesse… à chaque personnage, une allure, une sensibilité, des sentiments puis des attributs et enfin des fonctions. Trouvez cette approche à travers les descriptions de la divinité, ses attributs, sa symbolique et son activité.

La réalisation de la Vue de Gyulu associée à la nature du Yidam permet d’accéder à ce « Mahakaya ». Maha que l’on traduit habituellement par « grand » évoque l’idée de transcendance, de dépassement, d’inconcevable. En l’occurrence, dans ce yoga, le Mahakaya embrasse toutes les caractéristiques possibles des corps de tous les bardos et de toutes les destinées : incarné, animal, humain, onirique, idéelle, divin, infernal, fantomatique etc. En accédant au Mahakaya on trouve la clef de toutes les vies et renaissances tout en réalisant l’unité singulière de soi-même. Le Mahakaya est le substrat de toutes corporalités possibles et imaginables. Il est le principe indéfectible de corporalité inhérente à l’esprit.

3. La Vue yogique

Ce troisième entraînement du yoga de Gyu Lu prend pour appui le Corps vajra constitué des trajets (sct. Nāḍī, tib. Tsa)  des pneumas (sct. Vāyu, tib. Loung) et des perles (sct. Bindu, tib. Tiglé).

Tout être, du samsara comme du nirvana, est constitué de trois instances – esprit, pneumas et corps – que ni l’illusion ou l’éveil ne peuvent séparer. En tant que base d’expériences, l’esprit4 ne peut concevoir que « véhiculé » en un corps en quelques bardos ou Terres pures que ce soient. Ainsi, l’esprit conçoit perpétuellement une corporalité dont l’image se fait au gré des pneumas et du karma souillé ou éveillé. À cela s’ajoute l’élaboration de perceptions et réactions comme sujet d’un environnement. En d’autres termes, on ne peut se savoir (l’esprit) corps qu’en dépendance d’un environnement et réciproquement. L’interdépendance de l’esprit, du corps et de l’environnement s’articule sur une réciprocité dialectique de contenant-contenu.

La bonne santé de nos cognitions ne dépend que du karma de nos pneumas. Il n’est rien à changer en l’esprit ni en le corps. Par la concentration et l’intelligence, on acquiert la maîtrise d’esprit qui conduit les pneumas purifiés d’illusions en les trajets naturels du Corps vajra. Nous arrivons par la réalisation de ce yoga à contacter le Mahakaya comme étant l’inhérence fonctionnelle de corporalité continuelle5 dont, en vertu de la vacuité du Dharmakaya, l’activation est le déploiement du Sambogakaya et du Nirmanakaya.

Sans aucune sadhana, ni prière, on se place en les trois « lâcher prise » (tib. Rang bab) celui du corps, du verbe et de l’esprit, puis à l’obtention du « retrait des sens » (sct. Pratyāhāra) on génère le Corps vajra. Les pneumas s’étant rassemblés en un point par le canal central, on visite les quatre chakras. Sans plus aucune élaboration, le Mahakaya, né de l’union prāṇa-esprit, s’élèvera.

4. Conclusion

Que l’on adopte le véhicule du soutra, du tantra ou du yoga, la concentration sans distraction est la base de toutes les expériences valides sur le chemin vers la connaissance (sct. Vidya, tib. Rik pa) de la nature fondamentale de notre esprit. Il est donc important d’y appliquer correctement les instructions et de vérifier notre progression. Si les compréhensions, les expériences et les progrès tardent, il est important de s’interroger sur notre façon de procéder et de communiquer avec son Lama. On peut perdre beaucoup de temps à se contenter de vagues impressions de bien être ou de la bonne ambiance de stages entre copains-copines ou de l’énergie que dégage les lieux, les rituels et les Lamas.

Pour beaucoup de personnes, les yogas essentiels bouddhiques6 inspirent mystère et fascination et dont les enseignements seraient réservés à une élite. Généralement les instructions de ces yogas sont courtes et simples, mais leurs applications nécessitent une motivation certaine et le progrès exige une intelligence qui s’affine dans l’engagement clair et le respect sincère. Plus la transmission se veut ultime et directe plus la Vue exige humilité et force.

À chacun de savoir ce qu’il veut. Si l’on requiert les instructions afin de s'éveiller, nous aurons ces instructions.

Kuan Yin

L’incarné

Dans le sillage de mes corps
Entassés vies après morts
Phantasmes après phantasmes
J’ai nourri mes charniers
Et j’ai pleuré sur mes tombes.

Pour mieux ne rien entendre des sarcasmes
Du temps et du vide
J’ai fait de ma chair
La charnière de rencontres improbables
Et j’ai pleuré sur mes ombres.

Pour mieux m’endurcir aux combats
Contre vents et rumeurs
J’ai fait du monde
Le foyer de ma solitude
Et j’ai pleuré sur mes décombres.

Dans l’effondrement de tout espoir
Au regard sans détour de mes plaies
J’ai fait de l’illusion
Un havre lumineux d’amitié
Et j’ai pleuré pour les êtres sans nombre.

  Lama Shérab novembre 2011

Kuan Yin dans la posture d'aisance. Un aspect d'Avalokita

NOTES

1 Fiction (sct. Maya, tib. Gyu) : Ce qui est du fait de l’imagination

2 Je reprends ici l’expression de Djamgueun Kongtrul.

3 Dans le vajrayana, le terme secret désigne ce qui est caché en nous par notre propre ignorance.

4 L’exception étant, bien entendu, en l’instant d’autoconnaissance (tib. Rang Rik) qui n’est pas un état, mais une sagesse en l’immédiateté de sa nature vide d’entité propre qui, dissipant tous les voiles et illusions, participe, dans l’inséparabilité des trois instances (sct. Trikaya), en tous les mondes parmi tous les êtres.

5 C’est à cette fonctionnalité éternelle que j’associe le concept de « corps résurrectionnel ».

6 Il s’agit des six yogas : Toumo, Gyu Lu, Milam, Poa, Eu Sèl, Bardo. Cf Yogas bouddhiques